4 juillet 2012

Le système d'éducation finlandais (primaire et secondaire)

Avant de commencer, je me dois bien sûr de donner des nouvelles d’Oslo! Eh bien, sa première semaine à vie à rester tout seul à la maison le jour se passe très bien. Je suis soulagée de voir que je peux partir et qu’il n’en semble pas plus malheureux! Il faut dire que j’ai un amoureux en or qui passe à la maison à l’heure du dîner pour jouer un peu avec lui et le faire sortir pour son pipi. Et je fais une marche d’une heure avec Oslo le matin vers 6 h 15 et une autre d’au moins une heure le soir. C’est une routine qui va bien. Je crois même que je n’en mourrais pas si je dois un jour me remettre à travailler en entreprise. C’est un grand soulagement!

Passons maintenant aux choses sérieuses. Aujourd’hui, durant l’école d’été sur les pays scandinaves, nous avons parlé du système d’éducation en Finlande. C’est bien connu, les Finlandais se classent parmi les premiers au monde depuis près d’une décennie en matière d’éducation (résultats aux tests PISA en lecture, en mathématiques et en sciences menés auprès des jeunes de 15 ans).

La Finlande faisait pourtant piètre figure en matière d’éducation jusqu’au milieu des années 90. Sous le joug de la Russie depuis longtemps, la Finlande était un pays très pauvre. Avant la chute de l’URSS, elle avait un partenaire commercial solide en la Russie, mais avec l’ouverture des frontières elle l’a plus ou moins perdu. Pour redresser leur économie, les Finlandais ont examiné les études scientifiques et ont constaté que pour avoir un système économique fort, il fallait une population très bien éduquée. Ils ont donc tout mis en œuvre pour se doter du meilleur système d’éducation possible. Une grande réforme a été mise en place avec le plus grand soin et a donné des résultats spectaculaires.

Voici quelques caractéristiques de la situation finlandaise en éducation :

- Les enfants entrent en 1re année à l’âge de 7 ans, soit un an plus tard qu’ici.

- Il n’y a pas d’évaluation ni de bulletin avant la 5e année du primaire.

- Il est obligatoire de formuler tous les commentaires aux élèves de manière encourageante, y compris dans les rapports envoyés aux parents (c’est écrit dans la loi!). Par exemple, le professeur écrira : « Mathieu sait compter jusqu’à 100 », même si les objectifs pour son âge étaient de compter jusqu’à 200. Il importe que les enfants se sentent compétents.

- Tout le matériel scolaire, stylos, manuels et ski de fond compris, est gratuit jusqu’à la fin du secondaire.

- Un dîner chaud est servi à tous les élèves.

- La technologie occupe une très grande place dans les classes (p. ex., tableaux numériques interactifs depuis 1998).

- La méthode d’enseignement est socioconstructiviste, une méthode réputée pour être extrêmement efficace. J’explique. On s’est un jour rendu compte que les personnes âgées qui préservaient le mieux leurs capacités cognitives étaient celles qui continuaient de vivre entourées de gens avec qui interagir et discuter. On a ainsi découvert que les contacts sociaux stimulent l’apprentissage et la rétention. D’ailleurs, c’est cette méthode (qu’on appelle aussi « apprentissage par problèmes ») qui est utilisée avec le plus grand succès depuis au moins quinze ans à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke (meilleure faculté de médecine au Canada) et dans la Faculté de génie de la même université (meilleure faculté de génie de l’Amérique du Nord – mon amoureux a étudié là!). Dans un classe universitaire de médecine, le professeur commence par soumettre un cas aux élèves, par exemple une patiente qui dit avoir une grippe depuis trois mois. Les étudiants doivent écrire individuellement les questions qu’ils poseraient à la patiente pour savoir ce qu’elle a. Ensuite, ils se mettent deux par deux, discutent de leurs questions et doivent se mettre d’accord sur un plan d’évaluation, puis ils discutent à six et présentent leurs conclusions au reste de la classe. Les étudiants auront alors fait ressortir diverses hypothèses (allergies, MPOC, etc.). Ensuite, le professeur donnera des cours magistraux sur les thèmes abordés (p. ex., un cours en immunologie, un cours en pneumologie, etc.) Il semble que la rétention soit ainsi maximisée. Les mêmes principes peuvent être appliqués à tous les niveaux de scolarité. 

- Les professeurs sont triés sur le volet. Seulement 10 % des étudiants qui font une demande d’admission en enseignement sont admis. Ils doivent démonter de très nombreuses compétences, y compris un engagement social exceptionnel, notamment auprès des enfants. La scolarité est de cinq ans (maîtrise). La profession d’enseignant est très prestigieuse et très respectée en Finlande.

- Les enseignants ont une très grande autonomie dans leur classe. L’État n’établit que de grands principes. Ce sont les enseignements qui rédigent eux-mêmes les programmes pour leur école.

- Il n’y a à peu près pas de classes spéciales. Les enfants qui ont des difficultés sont pris en charge très rapidement pas des orthopédagogues.

- Le système d’éducation finlandais ne coûte pas plus cher que celui du Québec.

- Les enfants ont peu ou pas de devoirs à faire à la maison.

- Les parents finlandais sont généralement de retour à la maison avant 16 h 30 et passent leurs soirées à jouer et à faire du sport avec leurs enfants.

- Le souper en famille est sacré en Finlande. (D’ailleurs saviez-vous que le meilleur facteur prédictif des compétences en lecture est le fait de souper en famille le soir? En effet, les soupers autour de la table favorisent le récit et le débat, deux éléments qui stimulent l’intérêt pour la lecture. Et ce sont les enfants qui ont les meilleures compétences en lecture qui obtiennent les meilleurs résultats en sciences. Tout se tient.)



Et vous, que pensez-vous du modèle d’éducation finlandais?


* Source de l'information présenté ci-dessous : École d'été du CERIUM sur la Scandinavie 

La Scandinavie et l’éducation : la Finlande à l’avant-garde

Suzanne Tremblay, Directrice à l’École des Découvreurs

3 juillet 2012

Création du modèle scandinave

Je n’ai pas été capable de bloguer comme prévu hier soir parce que j’ai passé trois heures avec Oslo. C’est rare que je le laisse seul une journée de temps, alors les retrouvailles ont été heureuses! Nous sommes allés faire de l’agilité, du frisbee et de la marche. Il a réussi de nouvelles choses très difficiles à distance et nous avons eu énormément de plaisir!

Alors j'écris sur mon heure du dîner pour me rattraper. Je n'ai pas beaucoup de temps alors je vous donne l'information un peu pêle-mêle!

Dans les commentaire de mon dernier billet, certains ont voulu m’avertir du fait que tout n'est pas rose dans les pays scandinaves. Mais bien sûr. Cela dit, ces pays se classent tout de même dans le peloton de tête de tous les palmarès : santé économique, taux d’emploi, productivité, investissements étrangers, honnêteté, égalité homme femme et égalité dans l’ensemble de la population et même, indice du bonheur! Il ne fait aucun doute qu’on a intérêt à observer ce qui se fait là-bas.


Je tiens à souligner que nous n’étudions pas tellement la Norvège dans le cadre des conférences, car en raison de sa richesse en pétrole (et l’effacement de la dette qui en a résulté), elle est vraiment très riche et peut se permettre toutes sortes de programmes très chers et pas nécessairement efficaces (quoi que pas si mauvais non plus). La Suède, le Danemark et la Finlande, quant à eux, arrivent à obtenir d’excellents résultats sans profiter d’une telle richesse.

La naissance du modèle scandinave
Évidemment, je ne peux passer sous silence la création du fameux modèle scandinave en Suède dans les années 50. On était juste après la guerre, et la Suède étant restée neutre pendant celle-ci, elle n’avait pas trop souffert. Ses industries étaient fonctionnelles et elle était bien placée pour commencer tout de suite à vendre ses produits sur les autres marchés. De plus, avec l’application du plan Marshall en Europe pour aider les pays occidentaux à se relever, la situation était particulièrement propice à la croissance. Malheureusement, la Suède manquait cruellement de travailleurs formés. Pour ne pas nuire aux exportations, il fallait empêcher une trop grande inflation (ce qu’aurait causé la hausse des salaires nécessaire pour attirer les travailleurs formés par les entreprises). Il a donc été décidé de tout miser sur les entreprises performantes et de carrément laisser mourir les entreprises non susceptibles d’être concurrentielles à l’échelle mondiale. Tous les travailleurs ont été dirigés vers les entreprises performantes. Beaucoup de gens ont dû déménager et surtout être formés pour travailler dans de tout nouveaux domaines. L’effet a été formidable. C’est à ce moment que la société suédoise est devenue vraiment égalitaire. Et tout ça s’est fait à l’intérieur de l’économie de marché sans intervention directe de l’État! Il y a eu énormément de rencontres avec la population pour lui expliquer la situation. La population a été convaincue, et le changement s’est fait très rapidement, malgré des inconvénients majeurs pour bien des gens. Il est à noter que ce sont deux économistes à la tête du plus grand syndicat de l'époque qui ont mis sur pied ce modèle.

Les syndicats
Ici, comme vous le savez, les syndicats suscitent la méfiance d'une partie de la population à cause de leur corporatisme. Ils ne sont pas perçus comme favorables au bien commun, bien au contraire.  Ils ne défendent que de petits groupes sans tenir compte du reste de la société. En Suède, les syndicats sont très grands et représentent un vaste éventail de travailleurs provenant tant du privé que du public, d'entreprises exportatrices et importatrices et de diverses industries. Il leur faut donc concilier les intérêts de chacun. De plus, les syndicats ont pris une part active dans le gouvernement depuis 1932. Gouverner, ça rend responsable et ça oblige à prendre des décisions pour l'ensemble de la population. Les syndicats dans les pays nordiques collaborent très étroitement avec le patronat. À entendre parler les chefs syndicaux, semble-t-il qu'on a l'impression d'entendre la direction de l'entreprise. Le patronat comme le syndicat ont à coeur la réussite économique. Cette collaboration syndicat-patronat résulte en des décisions rapides, efficaces et consensuelles.

La santé
Je tiens finalement à parler de la réforme de la santé qui a été effectuée dans les années 1990 en Suède. La Suède était alors en crise, sa dette grimpait et elle a dû apporter des corrections. Cette réforme a eu des retombées formidables. La Suède est aujourd'hui le pays ayant le meilleur système de santé du monde tant sur le plan de la qualité que de l'efficacité. Si on performait comme la Suède, on économiserais 3,5 milliards par année en soins de santé! Il est vrai que les Suédois sont réputés pour faire beaucoup d'exercice et bien manger et avoir un environnement sain. Mais c'était le cas aussi avant la réforme. Les économies réalisées après la réforme ne s'expliquent donc pas vraiment par ces facteurs. En plus, ils ont plus de médecins et d'infirmières par habitant que nous (quoique payés moins cher). Voici ce qui a été fait :
- Décentralisation de l'administration des établissements vers des autorités locales qui assurent l'organisation, la gestion et une grande partie du financement
- Ministère de la Santé très petit qui ne voit qu'à établir un cadre et qui ne fait absolument aucune ingérence dans les activités locales
- Responsabilisation financière des autorités locales
- Mesures de responsabilisation, de reddition des comptes et de transparence
- Comparaison des performances entre les établissement
- Transfert de beaucoup de responsabilités aux infirmières
- L'argent suit le patient. Si un établissement a une liste d'attente et doit faire traiter un patient dans un autre établissement, il doit en assumer les frais. * Au Québec, il faut plutôt se créer des listes d'attente pour obtenir des budgets..
- Les patients n'ont pas à passer par un généraliste pour consulter un spécialiste
- L'informatisation du système de la santé s'est faite très vite (ici ça traîne depuis le début des années 90)
- Frais de responsabilisation que doivent assumer les patients chaque fois qu'ils consultent (environ 20 $; ce qui n'est pas très lourd à porter étant donné que tous les salaires sont hauts)
 C'est ce qu'on peut appeler une réforme réussie.

Dernier éléments très important : Là-bas, les décisions ne sont jamais imposées par le haut. Les citoyens s'informent beaucoup, discutent dans des groupes bien organisés, et une fois qu'une décision est prise, tout le monde rame dans la même direction. C'est très efficace. Ça explique pourquoi ils récupèrent généralement très rapidement des crises. Il n'y a pas de contestation sans fin comme ici. Mais je rappelle que les décisions ne sont jamais imposées. Il y aurait tout un changement de culture à faire au Québec sur ce plan. Cet après-midi, nous aborderons justement tout l'aspect des compétences civiques et de la culture de formation continue qui est extrêmement forte dans les pays scandinaves.

Je vous reviens demain j'espère. Je m'excuse de ne pas avoir bien structuré les sujets et de ne pas les avoir approfondis beaucoup. J'ai vraiment peu de temps. Si vous avez des questions, j'y répondrai avec plaisir!